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Un monde interconnecté et vulnérable

Notre monde ne peut plus se penser sans les multiples interconnexions qui tissent leur toile à la surface du globe : réseaux financiers, de distributions de biens, énergétiques (électricité, pétrole, gaz), réseau de distribution d’eau, de télécommunications, pour en citer quelques uns. En soi, rien de bien nouveau : dès l’antiquité, les villes  se sont construites aux nœuds de réseaux, principalement commerciaux. Mais ce qui est plus récent, c’est l’interconnexion de ces réseaux, qui a fait naître une complexité que plus personne  – spécialistes compris – ne maîtrise. Imprévisibilité, vulnérabilité, comportements potentiellement chaotiques en cas de défaillance : ces caractéristiques de l’interconnexion marquent une fragilité grandissante de notre société. Ainsi, le 28 septembre 2003 en Italie, suite à une défaillance du réseau électrique suisse, un black-out géant prive d’électricité toute la péninsule. Le redémarrage est rendu particulièrement problématique, l’opérateur ne pouvant utiliser le réseau de télécommunication… privé lui-même d’électricité !

Sans électricité, plus de télécommunication, mais aussi plus d’eau courante (les pompes s’arrêtent elles aussi), plus de chauffage (même les chaudières à mazout ont besoin d’électricité pour fonctionner) ; sans pétrole, les déplacements privés et les transports s’arrêtent, et avec eux le réapprovisionnement des magasins. L’interconnexion des réseaux vitaux s’est fait jour sans avoir été pensée au préalable ni planifiée, rendant difficile d’en prévoir les interactions en cas de dysfonctionnement.

Au sein d’un même réseau, l’extension internationale voire intercontinentale revient certes à mettre en commun les ressources, mais contribue aussi à mutualiser  les pannes et  les dysfonctionnements, au risque d’un emballement dont les conséquences peuvent prendre rapidement la forme d’une catastrophe : le 4 novembre 2005, une coupure d’électricité au nord de l’Allemagne causa 4 secondes plus tard une panne de courant au Maroc, privant au passage 15 millions de consommateurs d’électricité dans toute l’Europe.

Les réseaux présentent un défi important : nous ne pouvons nous en passer, et ils représentent à la fois la force et la vulnérabilité de notre société (la crise des réseaux financiers est un bon exemple). Si la réaction à une défaillance des multiples réseaux environnants est un sujet d’étude relativement récent1, la prise en compte de ces réflexions par le monde politique est un enjeu important pour la sécurité. S’il est difficile d’en faire une priorité lorsque les choses se déroulent à satisfaction, en faire une préoccupation lorsque les problèmes surviennent est bien trop tard. A l’heure où l’on augmente les budget de l’armée contrer une hypothétique menace militaire, il conviendrait de s’interroger si cet argent – le mien, le vôtre – ne serait pas plus utile pour améliorer notre compréhension des fonctionnements des réseaux vitaux pour notre société, et prendre les mesures nécessaires à l’évitement des menaces potentielles qui résulteraient de leurs défaillances.

1 En Suisse, voir en particuliers les travaux de la chaire de sociologie, en particulier modélisation et simulation de l’EPFZ (http://www.soms.ethz.ch/news/index).

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